Négritude – Petites anecdotes personnelles

(Petites anecdotes personnelles initialement publiées sur http://negritude.europe-ecologie.net )

naissance

Entretien d’embauche

Entendre sans y croire : « Déjà que vous êtes noir, il faudrait faire quelque chose pour vos cheveux.
– Déjà que je suis noir? Expliquez-moi.
– Bin oui, je ne suis pas raciste mais, parfois, avec certains clients ou collègues, ceci peut poser des problèmes.

Contrôle au faciès

Discuter place royale avec deux amis, être interrompu une vérification d’identité. Des trois je suis le seul noir et le seul à qui on demande de présenter ses papiers. Un petit rien insignifiant mais… Quand même… Non?

CV, avec ou sans photo?

Fin de la scolarité, un profil supposé en phase avec le marché de l’emploi, 100 CV envoyés, 3 réponses… Faire un test, garder le même CV, supprimer la photo : 10 CV envoyés, 7 réponses. Assez de jérémiades, quand on a la chance d’avoir un CV attirant, on a qu’à s’en prendre à soi-même si on ne fait pas l’effort de changer de couleur de peau.

Une question d’habitude

Attendre l’ouverture d’une séance de cinéma avec des amis, dans la rue. Voir un homme se rapprocher de moi. Respirer ses vapeurs d’alcool, écouter un flot ininterrompu de mots fleuris et imagés, « apprendre » que je n’ai rien d’un homme, que mon pays n’est pas mon pays, rester attentif pour ne pas être surpris s’il passe aux coups… Après quelques minutes, un de mes amis intervient, excédé, il n’a pas l’habitude, je suis son seul ami noir…

La glorification, depuis plus de vingt ans, des thèses racistes ou xénophobes par les politiques de tous bords, libère les intolérances. L’habitude nous conditionne, nous acceptons le pire. Qu’une journaliste ose appeler les « gros cons » par leurs noms et c’est toute la classe politique qui proteste contre son manque de respect envers des électeurs et électrices potentielles. Que ceci encourage les discriminations, ceci n’a aucun importance, nous avons l’habitude… Et si nous changions d’habitude?

Qu’est-ce donc qu’un habitué?

Il y a quelques années, quand la modération ne me conduisait pas à nourrir quelques réticences vis-à-vis des rythmes diffusés à des volumes incompatibles avec la préservation de mon audition, nous avions choisi, avec quelques amis, de poursuivre une soirée en entrant dans une discothèque qu’aucun de nous n’avait auparavant expérimentée. Guy entra en premier, sous le regard bienveillant des fiers cerbères protégeant l’entrée de ce nouveau temple de la nuit. Arrive mon tour mais je suis alors éconduit en ces mots : « Désolé, aujourd’hui c’est réservé aux habitués ».

Une observation rapide des acceptations et refus suivants, observation corroborée ultérieurement par quelques autres ami-e-s ayant eu le privilège d’entrer en ces lieux et d’y observer les « habitués », me donna une définition précise de ce qu’est un « habitué » : un « habitué » est un « blanc ».

Leçon n°1 de vocabulaire politiquement correct à l’attention des « gros cons » :

On ne dit pas un « blanc » mais un « habitué ».

(T’es noir!) D’où tu viens?

Août 2008,  journée d’été des Verts :

« Bonjour,
–          Bonjour,
–          D’où viens-tu ?
–          Je viens de Loire-Atlantique,
–          Mais encore ?
–          De Rezé, près de Nantes.
–          Non, enfin, je veux dire qu’elles sont tes origines ?
–          Je suis né à Nantes, j’ai passé une bonne part de ma petite enfance dans une ferme, à Saulnières, au sud de Rennes puis jusqu’à 18 ans j’ai vécu à Rezé, puis j’ai suivi des études à Rennes, j’ai travaillé à Rennes, à Paris, dernièrement, je suis revenu vivre à Rezé.
–          Non, je veux dire qu’elles sont tes origines ?
–          Tu veux dire les origines de mes parents ?
–          Oui.
–          Ma mère est née à Soulvache, la commune la plus au nord de la Loire-Atlantique, mon père est né dans un village près de Sarh, à l’époque c’était en France, maintenant, c’est au Tchad
–          Ah !
–          Mes Parents se sont rencontrés quand mon père suivait des études de médecine à Nantes, c’est ma mère qui m’a élevé, sans contact avec le Tchad, c’est pourquoi je n’ai pas immédiatement saisi le sens de ta question.
–          Ah d’accord, je croyais que tu étais d’origine xxx, j’ai séjourné en Afrique et je connais bien les xxx, tu pourrais être xxx… »

Variante la plus courante : « Ah d’accord,  j’étais certain(e) que tu étais antillais, tu pourrais être antillais… »

Noir-e-s, nous avons l’habitude d’être questionné sur l’origine de nos parents. Ces questions sont souvent émises par des personnes bienveillantes, ouvertes et accueillantes ou cherchant un lien commun particulier, mais, pourquoi ne sont-ce pas nos origines personnelles, notre histoire, mais,  les origines de nos parents, leurs histoires, qui ont une importance toute particulière dès que la couleur de peau sort de la moyenne?

S’il-te-plait, quand ma couleur te pose question, soit simple, dis-le, demande-moi, comme le font les enfants : « Pourquoi tu es noir ? », « Pourquoi as-tu des cheveux frisés ? »« Pourquoi as-tu un nez de bébé ? »… En enrobant ceci dans une question généraliste, ceci laisse un arrière goût désagréable, la sensation que la couleur de la peau est un élément déterminant auquel il me faut obligatoirement penser.

Un jour, tu comprendras que les apparences ne déterminent pas les êtres. … Un jour, tu comprendras qu’un-e noir-e, un-e arabe, un-e gros-se, un-e maigre, un-e homo, un-e petit-e, un-e géant-e, (…) ne se sent pas fondamentalement différent-e sans  ton propre regard, … Un jour.

François NICOLAS, Rezé(44), Bretagne sud.

http://mingata.eu/

PS: si tu as 3 minutes et 6 secondes, prend le temps de regarder la vidéo suivante:

Qu’est-ce que… l’identité nationale?

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